Art et mécanique festive

Le printemps. J'aimais bien cette période de l'année, où le ciel était dégagé toute la journée et le vent soufflait bien sur ma propriété, le temps idéal pour l'entrainement. Mais je n'avais pas le temps de m'amuser. En effet, la fête des moissons approchait à grands pas et, comme tous les ans, ont m'avait expressément demandé de construire un char pour la parade.
Eh bien, je me souviens à peine de la dernière fois qu'on m'avait passé commande. Un peu de travail, ça va me changer! Même si les nombreux prototypes que j'avais créé pendant cette longue période d'inactivité m'ont fait découvrir quelques améliorations notoires dont bénéficient l'ensemble de mes créations, j'étais évidemment rouillé et j'avais le sentiment de travailler moins vite que d'habitude.
D’ailleurs, je suis certain d'avoir déjà pris du retard. Si ça continu, je risque de ne pas pouvoir achever le char avant les festivités! Il va sûrement me falloir de l'aide et un avis extérieur. Je soupirais intérieurement. J'allais devoir briser ma solitude un temps si je voulais finir à temps. Enfin, il faudrait déjà que je trouve quelqu'un capable de m'aider. Et je ne connais personne à Ponyville qui soit vraiment bercé dans la mécanique. Qui pourrait bien m'aider...
Mais bien sûr! Le terrestre que j'avais croisé à Baltimare, lors de ma dernière commande, justement. Quel était son nom déjà... Quelque chose qui ressemblait à une chute... Fallen? Oui c'est ça! Fallen Knowledge. En plus, il est beaucoup plus doué que moi pour tout ce qui touche aux véhicules... Si je le contacte maintenant, il sera là suffisamment tôt pour que l'on puisse terminer pour la parade. Et le résultat sera sûrement bien meilleurs que si j'avais travaillé seul.
J'attrape donc le premier bout de papier que je pouvais trouver et j'y inscrivais une rapide invitation où j’expliquais mon problème à mon collègue de l'est. Puis, volant à tir d'ailes à la poste, je remis la lettre à une pégase grise à la crinière blonde.

Et nous y voilà, une semaine plus tard. Fallen avait accepté de m'aider et disait dans sa réponse qu'il arriverait aujourd'hui à Ponyville. Je voletais donc tranquillement au dessus de ladite ville en attendant de voir son ballon apparaitre à l'horizon.

Je n'eus pas à attendre longtemps avant d’apercevoir au loin le ballon de Fallen, et je partis à sa rencontre. Il ne me fallu que quelques secondes pour arriver à sa hauteur, où il me salua énergiquement:

Je lui rendis salut tout en l'invitant à me suivre d'un signe de sabot.

Je m'élançais en direction de demeure en commençant à lui parler du projet. Puis après quelques battements d'ailes je m'immobilisais pour réfléchir. Il ne pourrait pas atterrir près de ma maison. Construite entre la lisière de l'Everfree et de hautes collines, la zone était parcourue en permanence par des vents assez violents. Les bourrasques continuelles donnaient l'impression de voler au cœur d'un orage, la foudre en moins. Après le départ de mes parents, j'avais décidé de rester car cet environnement était parfait pour un entrainement de haut niveau. Par contre, ce n'était clairement pas l'endroit idéal pour faire voler un appareil aussi imposant et peu maniable qu'une montgolfière.

Je le conduisis au bord de la ville, vers un espace suffisamment vaste et dégagé pour accueillir la montgolfière. Quelques minutes plus tard, le ballon était au sol et j'aidais l'inventeur à débarquer son matériel. Mais un plan s'échappa d'une grosse liasse de papiers que je transportais et fila dans la rue. Il s'immobilisa au pied d'une pégase à la robe rousse et à la crinière jaune, qui le ramassa pour l'examiner. Puis elle se dirigea vers nous avec une air désapprobateur.

La pégase interpella mon collègue pour lui remettre le plan que j'avais laissé échapper.

Je ne savais pas trop si je devais la laisser venir, cela ferait plus de monde que je n'espérais en voir. Mais à bien y réfléchir, si elle pouvait nous aider d'une façon ou d'une autre, le gain de temps serait appréciable. C'est peut être mieux qu'elle nous accompagnes.
Elle se présenta comme étant Brushie Skyhouf, peintre à Ponyville. Effectivement, on ne pouvait pas rêver mieux dans cette situation, une artiste pourrait facilement corriger et améliorer mes plans brouillons et mon design un peu défraichie.

Je levais mon seul sabot libre en une mauvaise imitation de major d'homme, mes pattes surchargées ne me permettant pas de fournir une performance correcte. Sans plus attendre, je pris la tête d'une expédition plus grande que je ne l'avais imaginé, la dirigeant tranquillement vers ma maison-atelier. Je profitais d'ailleurs de notre trajet pour interroger notre nouvelle recrue.

Je rejetais un coup d’œil à mes croquis, convaincu que le style champêtre, dans le thème de la fête des moissons, était vraiment simpliste et "déjà vu". C'était un sacré coup de chance d'être tombé sur elle à ce moment là.

Brushie marmonna une vague réponse, que je ne compris pas. Son attitude avait instantanément changée lorsque je lui avais posé ma question. Avec mes tendances associables, je voyait clairement qu'elle était très mal à l'aise. Elle fit une nouvelle tentative pour prendre la parole, mais elle eut l'air encore plus abattue et fini pas s'immobiliser. Tout en levant un sourcil interrogateur, ce qui se traduisait par une étrange grimace à cause de mon œil amoindri, je m’apprêtais à la rassurer lorsque Fallen claqua des sabots juste devant son visage:

Mon expression changea pour un mélange de surprise et d'horreur. Comment est-il possible de manquer autant de tact? Il va plus la faire paniquer qu'autre chose. C'était encore plus gênant pour elle qu'il se fasse une mauvaise idée de la situation. Après quelques secondes, je me rendis à l'évidence: j'avais moi aussi fait une erreur. On aurait pas dû l'inviter comme ça, elle ne nous connaissais même pas; ça ressemblait vaguement à un kidnapping. Tenter de la rassurer risque de rendre la situation encore plus inconfortable qu'elle ne l'était déjà, et de toute façon je suis probablement trop maladroit pour réussir.

Sans même regardé l'endroit qu'il me montrait, je lui répondis que oui. Mon atelier était le seul bâtiment dans cette zone, le cottage de Fluttershy se trouvant beaucoup plus à l'est. Mais je trouvais le problème de Brushie beaucoup plus immédiat que la commande pour le défilé. Je décidais de lui laisser quelques minutes pour se reprendre, avec un sourire que je voulais rassurant.

Finalement, la pégase réussit à articuler quelques mots concernant la décoration. Bien qu'elle se confondit en excuse, elle parvint à nous transmettre ses idées.

Soulagé qu'elle ait récupéré ses moyens, j'écoutai attentivement toutes ses remarques. Tout en conduisant le groupe à l'intérieur de l'atelier, je réfléchis à ce qu'elle avait dit. C'est vrai que je n'avais pas vraiment réfléchi à la décoration, ayant pris du retard sur l'armature et le moteur qui étaient devenus mes priorités. L'avoir avec nous était vraiment une chance, car même si le moteur n'était pas fini, j'avais terminé l'armature sur laquelle on pouvait déjà fixer les décorations, et elle allait pouvoir nous montrer immédiatement comment faire.

Je fus agréablement surpris d'entendre Fallen s'excuser auprès de Brishie. Au moins, cela prouvait que ce n'était pas un rustre irrespectueux, malgré ses manières directes d'interagir avec les autres poneys.

J’acquiesçai vivement, donnant raison au terrestre. Il était temps d'achever la construction et la décoration de ce char. Je leur expliquai ce qu'il restait à faire tout en désignant tour à tour le moteur et le châssis.

Après avoir désigné lesdites décorations à Brushie, j'abaissai un levier qui qui libéra le moulin* sur le toit, canalisant les bourrasques extérieures pour actionner une ponceuse mécanique. Un schéma décrivant le structure du moteur était accroché au dessus, indiquant la forme des différentes pièces qu'il fallait encore fabriquer. Je pris deux petits blocs métalliques, tendant l'un d'eux à Fallen et commençant à donner une forme d'engrenage à l'autre, en prenant soin de laisser suffisamment de place à mon collègue pour que nous puissions tous deux utiliser l'outil en même temps.